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Mon identité nationale

Je dispose comme la plupart des gens qui habitent autour de moi d’une carte nationale d’identité où il est indiqué que je suis Français. Mon identité nationale est claire et elle est certifiée par ce bout de plastique. A partir de là le débat semble clos. Est-ce le cas ? Evidement pas, autrement ni Besson, ni Sarkozy se lancerait dans cette discussion à risque.

Comment je comprends mon identité

J’ai pris conscience de mon appartenance à la collectivité française après avoir vécu à l’étranger, dans un pays francophone d’Afrique. Le fromage de mon pays me manquait. Cela semble rigolo mais c’est profondément vrai. Avant de parler des valeurs que l’on partagerait avec ceux qui se réclament du même pays, il faut réaliser que ce qui rassemble au fond relève de données concrètes, comme des recettes, des paysages, des climats etc. De la même façon nous partageons des acquis culturels identiques à la base, lecture, écriture, musique, quoique pour cette dernière l’internationalisme semble de plus en plus de rigueur. Le succès du dernier film de Michael Jackson en est l’illustration. Mais tout cela fait- il réellement une nationalité, une identité ? Pour moi oui, mais l’amour de la choucroute, de la crêpe bretonne de l’aïoli ou du cassoulet, comme l’intérêt pour une littérature ne suffit pas pour faire marcher une population au son du canon. Michel Onfray avance qu’ « il y a deux façons de concevoir l’identité. Celle de l’identité du sang, de la race et l’autre de la raison et de l’intelligence ». On peut se demander ce que viennent faire dans cette histoire raison et intelligence quand il ajoute « que la France c’est la Révolution française », on peut se dire que notre philosophe libertaire se prend les pieds dans le tapis. Daniel Guérin nous avait, il y a fort longtemps ,expliqué comment se passaient les luttes de classe alors et à quel point les antagonismes étaient fort, violents et meurtriers. La Révolution, c’est celle de Babeuf ou de Robespierre ?

Identité nationale ou identité anarchiste

Mon identité culturelle est francophone sans aucun doute, parfois elle est trop française et je le déplore. Parce que si pour Onfray la France est incarnée dans la Révolution française et les Lumières, pour moi elle a bien des visages que je n’aime pas, c’est la France des rois et de leurs guerres. Sans eux, sans elles et ses cortèges de victimes il n’y a pas de France. Cette nation est le pays de Thiers et des fusillés de la Commune, elle est la conquérante colonialiste et son lot de désolation au nom de sa civilisation issue des Lumières. Elle est aussi le pays des fusillés de 1917 de cette guerre imbécile, elle est celle qui lors du Traité de Versailles n’a laissé à l’Allemagne que l’espace de la revanche. La France, c’est elle qui a enfermé mes parents dans des camps de réfugiés politiques indésirables. Cette France dont tout le monde parle a voulu m’envoyer tuer des femmes et des hommes qui se battaient pour leur liberté. Cette France je ne lui doist rien. Ce qui m’importe, ce qui me mobilise, le drapeau qui me fait marcher, c’est celui de la solidarité avec ceux qui luttent pour la justice. Ce que j’aime dans ce pays c’est sa capacité à produire de l’art, qu’il soit culinaire ou autre. Ses artistes et leur production me font vibrer, ils me font vivre, ils m’ouvrent à la culture des autres pays. La production française de beauté, de plaisirs ouvre la possibilité de dilution de la nation dans d’autres nations pour laisser place à la nation humaine, à cette nation dont je suis citoyen. C’est celle là que je veux chanter, c’est pour celle là que je veux me dresser.

Chanter la France

Donc mon identité, si je suis à gauche, serait celle de la France de la Révolution disent- ils. Façon comme une autre d’asseoir autour de la même table des gens qui n’ont rien à faire ensemble. Non, je ne marche pas, non je ne chante pas, non ces paroles qui appellent au sang et que je connais hélas par cœur ne franchiront pas mes lèvres. Vous ne m’entendrez pas chanter ce chant de haine qu’est la Marseillaise. Mon sang est impur. Ceux dont les sillons ont besoin de lui pour être fertiles ne sont pas de mon pays. Comment faire autrement que de siffler un chant qui appelle au meurtre, au crime ? Qu’est donc ce pays dont on m’intime l’obligation d’afficher son identité pour montrer mon existence ? Qu’est donc ce pays qui ne peut exister qu’à travers des chants guerriers ? Comment se fait- il qu’un homme dont j’apprécie l’enseignement philosophique, inter-nationaliste par essence, oublie que ses lèvres laissent passer ce chant de guerre ? Lui et bien d’autres, dans ces cas oublient qu’ils sont à l’aube d’une ère oùu ces vieilles nations guerrières sont en train de disparaître, qu’elles le veuillent ou pas, dans un ensemble informe mais porteur d’avenir qui s’appelle l’Europe. Tant qu’à faire, je suis Européen et mon hymneen national est l’Ode à la joie, dont je ne connais pas les paroles mais dont la musique, la mélodie m’émeut profondément.

Pierre Sommermeyer