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Les municipales comme si vous y étiez

On peut dire ce que l’on veut du cirque électoral, on peut le critiquer, dire que c’est une version moderne de l’opium du peuple mais, en aucun cas, on ne peut nier son efficacité ni le nombre élevé de ses représentations. Qu’elles soient européennes, présidentielle, législatives, sénatoriales, cantonales ou municipales, il y en a toujours une qui est près de chez nous. Aujourd’hui, nous allons nous occuper des dernières mentionnées, celles qui concernent plus que toutes les autres notre vie quotidienne. Donc, nous allons choisir pour sept ans celui ou celle qui va être notre maire. Sept longues années valent bien le coup de se pencher à la fois sur le mode électoral et sur ce qui est en jeu derrière ces candidatures. Les maires ne sont pas élus par leurs concitoyens comme on veut nous le faire croire mais par le conseil municipal lors de sa première réunion. Ce n’est donc pas un élu du suffrage universel mais du suffrage secondaire. C’est un suffrage de liste, où le futur maire n’est la plupart du temps que le premier sur le bout de papier qui va aller dans l’urne. Dans les communes de moins de 3500 habitants, l’électeur peut biffer, rayer, ajouter qui bon lui semble. Il peut même arriver qu’un non-candidat soit élu.

Dans les communes plus grandes, ce petit jeu, si libertaire à première vue, est interdit. Tout ce que l’électeur de base peut faire est de tirer au sort un papier parmi la dizaine ou vingtaine de présents sur la table, avant de passer à l’isoloir, de le glisser dans une enveloppe puis dans une urne et de partir après avoir entendu : « A voté ! » sonner à ses oreilles comme quand le catholique quitte l’église après le « Ite missa est ». L’autre chose qui frappe aux yeux, dans ces grandes communes, c’est le côté « chabadabada » des bouts de papier en question. Un homme, une femme, ou le contraire, cela ne passe pas inaperçu. C’est là, la première et plus flagrante hypocrisie de cette histoire.

Le législateur, dans sa grande sagesse (sic), se rendant compte qu’un homme égale une femme, ou inversement, et que les hommes assis sur le siège du pouvoir mettaient du temps à faire une place aux dames, et qu’elles risquaient alors de se mettre en colère, a donc décidé de mettre en place la parité des candidatures. Mais comme il ne faut quand même pas trop bousculer les usages, cela n’a pas eu d’effet sur le nombre de maire féminins : ce sont presque toujours les hommes qui sont élus. Au moment de la distribution des postes d’adjoints, les femmes n’ont que ceux qui sont réservés à l’éternel féminin, c’est-à-dire tout ce qui concerne le social. Auparavant aura lieu l’entre-deux tours où l’on assistera au mariage de la carpe et du lapin. La liste arrivée en tête raflant la majorité des sièges, on pourra remercier les ralliés de la dernière heure.

C’est à partir de ce moment-là que se joue la deuxième partie qui échappe au suffrage universel. Nous vivons dans un système ou l’arbre de la commune cache la forêt des avantages en tout genres, qu’ils soient monétaires ou de puissance.

La plupart des communes de France font partie soit d’une communauté de communes, soit d’une communauté urbaine. Ce sont des ensembles régionaux où de véritables pouvoirs sont en jeu, bien plus importants que les communes qu’ils regroupent. Si le principe de subsidiarité est le vecteur de base, il apparaît très vite que l’action de la communauté prend le pas sur l’autonomie des communes, en particulier en ce qui concerne les transports, le collectage des ordures ou toutes autres sortes d’équipements transversaux. Dans ces grands ensembles, il y a pléthore de postes à pourvoir dans tels ou tels conseils d’administration d’université, d’hôpital, d’association sportive, etc. Enfin, et certainement j’en oublie, il y a les multiples syndicats intercommunaux de gestion diverses et autres éléments indispensables à la vie quotidienne. Ce sont des endroits où le clientélisme politique va bon train du style : « Je te donne une tournée supplémentaire de ramassage d’ordures et tu me donnes l’accès au bout de forêt qui empêche le développement de ma zone artisanale ». Tout cela se passe dans l’obscurité la plus totale mais évidemment pour le bien de tous.

Voilà donc ce que cache le grand jeu électoral auquel nous sommes tous conviés. Pour les uns, il s’agit d’un vote local, pour les autres d’un vote à résonance nationale, selon que les uns sont au pouvoir et les autres dans l’opposition. Ce qui est vrai, et nous ne pouvons pas le nier, c’est que la participation à ce jeu de rôle est indispensable à quiconque veut jouer au grand monopoly politique. Donc, quiconque participe veut en fait placer ses pions pour la partie suivante, sous peine de ne plus être crédible d’un point de vue médiatique d’abord et politique ensuite. Diable, il faut bien se compter d’abord pour pouvoir vendre ses voix au meilleur offrant ensuite.

Pierre Sommermeyer