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Tourisme égyptien
Le Monde libertaire n° 1556 14 mai 2009

Isis, Osiris, Ramsès, sphinx et obélisque, voilà bien des souvenirs d’école primaire où on nous parlait des pharaons et de leurs pyramides et d’un certain Bonaparte qui les contemplait depuis quarante siècles. Donc après la semaine éprouvante du contre-sommet, le CRML m’a envoyé me remettre de mon stress en Egypte. Je ne savais pas où je mettais les pieds. J’ai donc fait connaissance avec la culture de masse et le tourisme du même nom.

L’industrie du tourisme

En m’inscrivant à cette croisière sur le Nil, je ne savais pas que j’allais passer de l’état de candidat à un voyage rêvé de longue date à celui de produit formaté par une industrie super rationalisée. Il s’est agi pour les agents de cette usine de me transformer en TSE, c’est-à-dire en « Touriste Satisfait Egypte ». Entre leurs mains, mon libre arbitre m’a échappé. Chaque soir, je prenais connaissance du programme du lendemain, des heures du réveil, des visites, des repas, des départs et des retours. Les ateliers de fabrication sont flottants, ce sont des hôtels qui hébergent chacun une bonne centaine de TSE et qui bougent en fonction de critères mystérieux. Le TSE en devenir ne sait rien de qui dirige le bateau, ni comment il est organisé. Les différentes pièces d’une voiture sont assemblées par différentes techniques, soudure, clips etc. Pour le TSE la technique employée est d’une aussi grande efficacité, il s’agit de la gentillesse. Elle est partout dans l’atelier, on ne peut pas lui échapper, si elle est agréable au début elle devient rapidement insupportable. Si je veux changer de place à table, le serveur me fait les gros yeux. Si je veux monter dans un car autre que celui de mon groupe, même s’il va au même endroit, je suis rappelé à l’ordre par quelqu’un de courtois. Je n’aurai jamais autant été compté et recompté de ma vie et toujours avec le sourire. La peur que l’un des produits s’égare est immense. Régulièrement des tests de résistance sont effectués à l’aveugle sur un TSE pris au hasard. Cela s’appelle la « turista ». Ceux qui sont touchés, se retirent du jeu pendant 24 heures environ puis dès leur réapparition sont l’objet d’une compassion soulignée venant des autres TSE qui sont en même temps soulagés d’y avoir échappé. Comme dans n’importe quelle entreprise d’une certaine grandeur, il y a un service de sécurité. Il est omniprésent et porte le joli nom de « police du tourisme et des antiquités ». Ces flics sont en uniforme et parfois en civil. En uniforme leur fusil mitrailleur est visible, en civil, la veste ouverte de leur costume laisse apparaître le museau du pistolet mitrailleur. Comme pour tout produit il y a un crash test. Ce sera la visite d’Abou Simbel situé à 250 Km d’Assouan où l’usine hôtel est à quai. Lever à deux heures du matin, à trois heures dans le car, attente qu’un convoi de 60 véhicules se forme sous la surveillance de l’armée et de la police. Départ à la queue leu leu, traversée du désert, check-points réguliers, arrivée, visite, redépart en convoi, retour à l’usine pour le repas de midi. La température dans le car était de 24 degrés environ, sur site entre 40 et 50. Les TSE présents ont résisté, ils sont prêts à affronter les embouteillages de la capitale. Ce sera le seul moment - qui pourra durer des heures – où ils partageront le quotidien des habitants qui n’en peuvent mais. Ils verront enfin les pyramides et seront enfin des Touristes Satisfaits d’avoir vu les trésors de l’Egypte.

Le hold-up culturel

Passer d’un site archéologique à un autre est merveilleux. J’en avais rêvé depuis l’école primaire. J’ai vu tout cela et je suis satisfait. J’ai aussi vu une société proclamant une religion qui interdit la reproduction imagée de Dieu, faire commerce des images des dieux. J‘ai vu une société faisant le grand écart entre son monothéisme et le polythéisme qui la fait vivre pour une bonne partie. Un petit malin, avec qui je voyageais avança en ricanant « ce sont les Egyptiens qui ont fait le boulot et ce sont les Arabes qui en profitent… » Je réalisais alors que l’Occident avait fait un détournement de l’Egypte ancienne assez spectaculaire, sans bruit. Nous avons tous appris qu’il y a eu l’Egypte puis les Grecs, puis Jules et ses Romains puis nous, la France et nos voisins. C’est cela que l’on raconte sur les sites. Ce détournement a été amplifié par le fait que la presque totalité des archéologues, des découvreurs, est occidentale, britannique, française, italienne, allemande ou américaine etc. Mais la question de fond est la suivante, l’Egypte c’est où ? Mais en Afrique bien sûr ! Sujet tabou, il n’est pas question d’aborder cette question. Alors quelles sont les interactions avec l’Afrique, avant les pharaons et après ? Quelle était la couleur des anciens Egyptiens ? Juste deux choses pour terminer, on a retrouvé en Afrique du Sud, dans des cavernes, des morceaux d’ocre gravé 70 000 ans BC portant ce zigzag si caractéristique des hiéroglyphes égyptiens qui signifie « eau » donc vie. En Namibie, une tribu, les Himba ont des coiffures semblables à celle des pharaons. Alors l’Egypte, en Afrique ?