Quand Sharon abandonne la bande de Gaza en 2005, le monde occidental retient son souffle. La paix semble à portée de main. Deux ans après, on s’aperçoit que ce n’est pas le cas. On en est plus loin que jamais.
Revenons en arrière. C’est sous une triple pression qu’Ariel Sharon donne l’ordre aux colons israéliens d’abandonner ce qui est pour eux un Eldorado. Il y a l’insistance des puissances occidentales qui espèrent par ce biais avancer dans la reconquête des opinions publiques proche-orientales, irritées par l’intervention en Irak. Il y a la pression d’une partie de l’opinion israélienne qui voit dans ce retrait le prix à payer pour la paix ; et, enfin, il y a le coût financier de l’occupation qui devient insupportable.
Donc, le 12 septembre 2005, les colons quittent, contraints et forcés, cette langue de terre. Ils détruisent tout ce qui était à eux et, pratiquant une politique de la terre brûlée, mettent en place la première mâchoire du piège. La dévastation des cultures, où les travailleurs locaux s’échinaient, va rendre plus difficile l’alimentation des Palestiniens qui restent sur place. Mais l’ouverture par Israël de l’aéroport de Rafah, à la frontière égyptienne, et les promesses d’ouverture d’un port sur la Méditerranée laissent augurer d’un possible acceptable.
Le second acte se passe le 25 janvier 2006. Des élections législatives ont lieu, et le Hamas, parti religieux, obtient la majorité absolue. Il a surfé sur sa popularité liée à son action humanitaire, sur la corruption et le rejet des apparatchiks du Fatah. Enfermés dans leur discours jusqu’au-boutiste et leur refus de reconnaître Israël, proclamant leur désir de détruire l’occupant, les chefs du Hamas fournissent au lobby militaro-religieux israélien les justifications d’une reprise des opérations militaires. Le 25 juin 2006, l’aviation israélienne détruit les infrastructures de la bande de Gaza.
Le 15 juin 2007, en conflit avec le Fatah qui tient la Cisjordanie, les religieux se replient sur Gaza et forment un gouvernement local. Israël décrète le blocus à l’exception d’une aide humanitaire au compte-gouttes. Les observateurs occidentaux quittent ce minuscule territoire. Très rapidement la situation devient intenable. Au sud, un mur construit par les anciens occupants isole complètement Gaza de l’Egypte, à la grande satisfaction de cette dernière. Toutes les communications avec la Cisjordanie sont coupées. Les Palestiniens qui travaillaient en Israël sont réduits au chômage.
Cette situation de blocage complet est la raison principale de l’assaut du 24 janvier 2008 contre le mur de séparation d’avec l’Egypte. Il fallait soulever le couvercle qui pesait sur la population, le risque était grand que, à bout de souffle et de nourriture, elle ne se soulève contre ses propres gouvernants.
On verra donc à la télévision les habitants de la bande de Gaza venir prendre l’air en Egypte et de quoi se nourrir. On assistera aussi à l’évident embarras des autorités égyptiennes qui mettront quelques jours à refermer le mur. Mais on ne verra pas le réapprovisionnement en armes des militants du Hamas.
C’est la deuxième mâchoire du piège qui se referme.
Dès lors, la soudaine augmentation de tirs de roquette, peu efficaces militairement, mais très importantes symboliquement, ne saurait surprendre. Le groupe dirigeant du Hamas comme les militants armés n’ont pas d’autre choix que de reprendre l’offensive. Ces derniers ne vivent que de l’arme qu’ils tiennent ; les leaders religieux, eux, ne peuvent justifier d’éventuelles négociations qu’en criant victoire et en mettant en avant leurs « martyrs ». L’armée israélienne, en intervenant en force, conforte cette stratégie. Il y aura plus de mort palestiniens en 48 heures que de tués israéliens en sept ans de roquettes. On est loin de la loi du talion.
Au moment où cet article est rédigé, les chars se sont repliés, les dirigeants de Jérusalem ne peuvent se permettre un nouvel enlisement. Les négociations avec le Fatah cisjordanien sont suspendues. Le Hamas crie victoire.
Va-t-on vers de nouvelles discussions ? Qui a intérêt au changement ? La population israélienne serait partisane à 67 % de négociations avec le Hamas Mais est-elle prête à en payer le prix ? Israël est une société qui vit de la guerre : l’effort militaire donne du travail à une bonne partie du pays. L’autre prix à payer serait le retrait des colonies de peuplement. Pour les Israéliens qui y habitent, c’est non ! Pour les militants armés, la paix aurait pour conséquence leur mise au chômage et l’obligation de rechercher du travail, situation peu glorieuse. Par ailleurs, pour les dirigeants, cela voudrait dire qu’ils ne pourraient plus bénéficier, à plus ou moins brève échéance, des subsides étrangers.
La seule solution, hélas, actuellement imaginable, serait une interposition militaire internationale entre les deux camps. Mais personne n’en veut. En attendant, des deux côtés, le mot d’ordre est : « Tais toi et meurs ! »