Quand cet article sera publié, il est presque certain que la guerre contre le Hamas sera terminée. 1000, 2000 morts, combien de blessés, il faudra longtemps pour avoir les chiffres exacts. Il y a pourtant un vainqueur : le clan militariste.
Existe-t-il une solution ?
Depuis soixante longues années ce clan gagne, année après année, bataille après bataille, la victoire de la guerre contre la paix. La paix est le suprême danger pour les pouvoirs palestino-israéliens. C’est leur déstabilisation assurée. Il est facile de démarrer une guerre, les excuses, toujours bidons, sont simples à trouver, parfois c’est l’autre qui les fournit. Dans ce cas ce sont ces roquettes artisanales qui ont justifié l’utilisation de bombes ultra sophistiquées.
Le conflit israëlo-palestinien a en plus, qu’on le veuille ou non, une dimension religieuse. A l’origine le sionisme est le produit de juifs athées ou indifférents. Les rabbins du moment seront viscéralement anti-sionistes. La justification ultime du retour en Palestine se trouve dans la Bible, livre religieux par excellence. Ce lieu exacerbe toutes ces données. La charge émotionnelle présente dans ce conflit est liée à cette localisation géographique. La situation des musulmans en Inde, absolument catastrophique, laisse indifférent.
La justification politique israélienne du statu quo est qu’il n’y a personne avec qui négocier. Ce qui est bien sûr faux, mais le pouvoir de Jérusalem fait ce qu’il faut pour qu’il en soit ainsi. Toutes les parties savent qu’un homme existe, Marouane Barghouti. Il se trouve au dessus de toutes les parties, il est en prison en Israël. Il ne faut surtout pas le libérer, car dans ce cas le château de cartes s’écroulerait.
Croire qu’il y a une solution négociée à ce conflit proche-oriental relève de la naïveté. La guerre profite aux marchands d’armes, aux coteries, aux porteurs de sabres et de goupillons de quelque religion que ce soit. En octobre dernier, le recteur de l’université Al-Qods, Sari Nusseibeh déclarait : « Si aucun accord de paix n’est signé dans un délai raisonnable, je crois en effet que l’Autorité palestinienne sera devenue totalement inutile. Pourquoi faudrait-il la maintenir ? Pour qu’elle devienne un instrument de l’occupation, pour que l’argent donné par l’Europe ne serve plus qu’à alimenter la corruption, à payer des services de sécurité inutiles ou à organiser des distributions de biscuits pour les nécessiteux de Gaza ? Non, s’il n’y a pas d’accord de paix, nous n’aurons plus besoin d’une structure politique dont la seule justification était de créer le cadre d’un futur Etat. Car s’il n’y a pas d’accord, il n’y aura pas non plus d’Etat palestinien au côté d’Israël ».
Prendre parti ?
La réussite médiatique du Hamas c’est de faire oublier sa nature, son idéologie politique en mettant au premier plan la barbarie militaire israélienne. De ce point de vue c’est réussi. Dans le combat entre le David arabe et le Goliath de Jérusalem il est tentant et tout nous y invite, de prendre parti pour Gaza en oubliant qui y tient le pouvoir. Il y a six mois je disais ici même « des deux côtés, le mot d’ordre est : « Tais-toi et meurs ! ». C’était lors de la précédente incursion dans la bande de Gaza des militaires israéliens. On a bien oublié que le 24 janvier 2008, un mouvement populaire gazaoui avait mis à bas la barrière sud vers l’Egypte. Celle–ci refermée, le peuple palestinien, à nouveau prisonnier et dépendant des passeurs des tunnels contrôlés par le Hamas, risquait de manifester sa colère face à l’incapacité des dirigeants islamistes d’assurer l’approvisionnement de la Bande. Il était alors bien plus facile à ces derniers de tenter avec la fin de la trêve, qui n’avait servi à rien, un bras de fer militaire qui ne pouvait entraîner qu’une augmentation des martyrs.
Dans Haaretz, journal de gauche israélien, on pouvait lire il y a quelques jours ceci : « Ne nous bassinez pas avec l’humanité et la compassion ! Ce n’est qu’en périphérie qu’une voix de protestation – illégitime, ostracisée et ignorée par la couverture médiatique – peut se faire entendre de la part d’un petit groupe courageux de Juifs et d’Arabes. »
C’est pour ce petit groupe que nous devons prendre parti. Les seuls vrais ennemis de la guerre se trouvent aux alentours de Bil’in, là où Israéliens et Palestiniens luttent côte à côte contre le mur de séparation. Il ne s’agit pas de renvoyer dos à dos les pouvoirs de Jérusalem et du Hamas. Il s’agit de dire simplement qu’après soixante années de souffrances, de morts, d’assassinats il est temps de changer son fusil d’épaule.
Aujourd’hui déjà, ce sont les maçons palestiniens qui construisent les bâtiments des nouvelles colonies israéliennes en Cisjordanie. C’est ce que nous ont montré les compagnons des Anarchistes contre le mur, dans leur film « In working progress ». Il vaut mieux être un citoyen de seconde zone que le citoyen mort d’un hypothétique Etat. La seule libération possible, et nous le savons bien, ne peut avoir lieu qu’en menant le combat classe contre classe. Pierre Sommermeyer