Cela fait près de dix ans que j’écris régulièrement dans le Monde Libertaire des articles portant sur la situation en Israël-Palestine. Chaque fois j’espère, sans trop y croire cependant qu’un début de solution pourrait se faire jour. Je dois dire aujourd’hui que cet espoir a disparu. Dans ce cauchemar sans fin il reste des résistants. Il faut saluer ces femmes et ces hommes qui se lèvent chaque matin en se disant « je ne participe pas ».
Natan et son refus
Le 19 novembre Natan Blanc, 19 ans, est arrivé à sa caserne. Il a déclaré son refus de servir dans l’armée israélienne. Il a été condamné à 10 jours de prison pour son refus, il a également reçu une condamnation avec sursis de 10 jours. Voici en quels termes il exprime sa position : « J’ai commencé à penser à refuser de m’enrôler dans l’armée israélienne pendant l’opération« Plomb durci »en 2008. La vague de militarisme agressif qui a balayé le pays, alors, les expressions de haine mutuelle, et le discours vide de sens sur l’éradication de la terreur et la création d’un effet dissuasif étaient les principaux déclencheurs de mon refus. Aujourd’hui, après quatre années complètes de terreur, sans un processus politique [vers des négociations de paix], et sans apaisement dans la bande de Gaza et à Sderot, il est clair que le gouvernement Netanyahu, comme celle de son prédécesseur Olmert, n’est pas intéressé à trouver une solution à la situation actuelle, mais plutôt à la faire perdurer. De leur point de vue, il n’y a rien de mal au lancement d’une opération « Plomb durci 2 » opération à mener tous les trois ou quatre ans (puis Plomb durci 3, 4,5 et 6) : nous allons parler de la dissuasion, nous allons tuer un terroriste, nous perdrons quelques civils des deux côtés, et nous allons préparer le terrain pour une nouvelle génération pleine de haine des deux côtés. Tant que représentants du peuple, les membres du cabinet n’ont pas d’obligation de présenter leur vision de l’avenir du pays, ils peuvent continuer avec ce cycle sanglant, avec aucune fin en vue. Mais nous, en tant que citoyens et êtres humains, avons le devoir moral de refuser de participer à ce jeu cynique. »(Source europalestine.com).
Les Anarchistes contre le mur
Tous les vendredi, jour férié en Palestine, des manifestations ont lieu pour protester contre le Mur à partir des villages de B’ilin, Ni’lin et des environs. Le 11 novembre des envoyés militaires et policiers officiels ont remis aux militants un avis individuel d’interdiction d’accès à ces villages le vendredi, jusqu’en mars 2013. Cet ordre a été signé par l’Etat major militaire. Si ces ordres ne concernent pas les habitants, ils montrent la nervosité croissante des autorités militaires. En décidant de leur propre fait de transformer cette partie de la Palestine en zone militaire interdite à des citoyens israéliens, Ils démontrent l’efficacité de ces manifestations non-violentes et du probable malaise croissant chez les militaires israéliens qui se retrouvent face à des compatriotes allié à l’ennemi officiel.
Les commentaires d’Uri Avnery
Avnery est probablement le plus ancien pacifiste israélien. Dans son dernier post sur son blog, il rappelle qu’en vue des prochaines élections des primaires ont eu lieu au sein du parti de Netannyahou : « Tous les “modérés” de son parti ont été virés sans céré¬monie. Il n’est resté aucun alibi libéral, démo¬cra¬tique. La faction Likoud-Beitenou de la pro¬chaine Knesset sera entiè¬rement com¬posée d’extrémistes de droite, et parmi eux plu¬sieurs fas¬cistes avérés, des gens qui veulent abolir l’indépendance de la Cour Suprême, couvrir la Cis¬jor¬danie d’un réseau dense de colonies et pré¬venir par tous les moyens pos¬sibles la paix et la création d’un Etat palestinien ». Pour Avnery « … un seul État d’apartheid est la réalité. Si rien ne change sur le terrain, il va se creuser et devenir plus fort. Presque chaque jour nous apprend qu’il est en train de se ren¬forcer de plus en plus. (Le monopole des autobus vient d’annoncer qu’à partir de main¬tenant il y aurait en Israël des bus dis¬tincts pour les Pales¬ti¬niens de Cisjordanie.) ». L’espoir de créer avec les Kibboutz un autre type de relations sociales, partagé dans les années soixante par certain anarchistes est bien mort.
Et maintenant que peut il se passer ?
Il est possible que la situation dure avec ses explosions de violences soigneusement contrôlées et programmées. Elles sont nécessaires au maintien des pouvoirs des frères ennemis que sont le Hamas et la coalition de Netannyahou. W. Chester dans le Monde Libertaire du 5 décembre l’a magnifiquement démontré. Il est aussi possible que, dans le grand jeu diplomatique qui vise à rendre aux USA leur rôle de gestionnaire prépondérant de la planète, cet abcès de fixation soit un frein au règlement du conflit iranien et syrien. L’administration Obama ferait alors payer à la droite israélienne son incapacité à négocier la fin définitive de ce micro conflit. L’autre alternative que nous pourrions espérer est que la situation économique intérieure se dégrade tellement que les appels réguliers aux armes ne soient plus suivis d’effets mais là faut pas rêver. En attendant les résistants de l’intérieur d’Israël ont plus que jamais besoin de notre soutien. Comme bien d’autres ailleurs ils luttent pour notre humanité.
Pierre Sommermeyer