Un pays aux marges de l’Europe.
Un pays qui n’aime pas les étrangers. Un pays où les étrangers sont un danger. Un pays qui menace de tuer les étrangers qui arrivent sur ses rives. Un femme. Elle vient d’ailleurs, elle vient de l’étranger. Elle a fui la mort qui lui était promise. Cette femme arrivée dans ce pays s’est mise à parler. Elle a pris parti pour les étrangers, pour les migrants. Elle a combattu la méfiance des habitants de ce pays. Ces étrangers ne risquent plus la mort. La roi de ce pays vient lui proposer le mariage, en plus du magistère de la parole elle aurait le pouvoir. Elle refuse. Il menace de rétablir l’exécution immédiate pour les nouveaux arrivants. Elle résiste et gagne.
Cela n’a rien à faire avec une histoire connue. C’est du théâtre. Cela s’appelle Iphigénie en Tauride. L’auteur un Allemand : Johann Wolfgang von Goethe. Cette pièce d’abord écrite en prose fut récrite en vers la fin du 18ème siècle, en 1786. Ce texte fait partie du patrimoine culturel allemand. Tous les élèves de l’autre côté du Rhin l’ont étudié. Jean-Pierre Vincent l’a mise en scène. Le texte de Goethe a été retraduit, merveilleusement. Créé à Strasbourg, au TNS, début décembre 2016, cette pièce s’inscrit dans le renouveau du théâtre politique que j’avais déjà signalé dans des articles précédents.<exergue|texte=« D’aujourd’hui et de ce lieu date une ère nouvelle dans l’histoire du monde ». |position=right>
C’est un des textes issu des Lumières allemandes, l’Aufklärung . Goethe assistant à la bataille de Valmy déclarera plus tard avoir dit alors : « D’aujourd’hui et de ce lieu date une ère nouvelle dans l’histoire du monde ». Pour faire passer son message, la prééminence de la femme et le respect de l’étranger, l’auteur enveloppe son propos dans des réminiscences de la mythologie grecque. Façon pour lui de rappeler que nous sommes tous des héritiers d’un passé qui nous dépasse d’une certaine façon, que nous devons maitriser pour vivre libre.
Aujourd’hui en France des femmes, jeunes pour le plupart, d’ascendance maghrébine, se lèvent pour défendre leur cause. Nous attendons une Iphigénie.
Pierre Sommermeyer