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Luttes de classe en Chine, ou apprendre à lire à travers les lignes.

ML juin 2004

Il est toujours très difficile de savoir ce qui se passe dans ce pays immense ou la censure n’est pas un vain mot. Des informations passent pourtant à travers les canaux officiels et les pages économiques des journaux occidentaux. Avec les précautions d’usages, impossibilité de croiser les informations, on peut en déduire qu’il se passe des événements sociaux importants.

Un exemple : la rubrique « Money & Business » du New York Times, publiée par le Monde du 25-26 avril dernier, est consacrée à l’exportation possible de l’inflation chinoise dans le reste du monde. On y apprend dans cet article que le coût de la vie aurait tellement augmenté en Chine centrale que le gouvernement provincial aurait fait pression sur les entreprises locales pour qu’elles augmentent de 10% le salaire de leurs employés. Inversons cette information, et nous apprenons que des mouvements sociaux d’une ampleur certaine ont amené le gouvernement provincial, incapable de les maîtriser, à faire pression sur les patrons locaux. La situation serait identique en Chine du sud où un patron d’une entreprise de céramique a été obligé d’augmenter ses ouvriers de plusieurs pourcent. Un fabricant de machines situé dans le centre du pays dit avoir augmenté ses ouvriers de 10 à 20 % pour compenser l’augmentation du prix du riz. Il déclare dans la foulée avoir augmenté le prix de ses machines à l’exportation de 25 à 30 %. Ce qui signifie en clair que le prix des produits en provenance de Chine augmente et que si nos patrons veulent garder leurs marges nous allons devoir payer plus.

Un autre exemple : le patron de la deuxième entreprise pétrolière chinoise a été remercié nous rapporte le Financial Times. On apprend à cette occasion que sa gestion de l’accident industriel qui se serait passé dans une raffinerie et qui aurait fait plusieurs centaines de mort et quelques milliers de blessés a été jugé catastrophique par le pouvoir central. On lui reproche aussi d’avoir réglé de façon trop autoritaire des mouvements sociaux ayant eu lieu en 2002. Le pauvre homme ne serait plus que membre suppléant au comité central alors que son concurrent le plus direct, président d’un autre groupe pétrolier, est membre titulaire. L’autre problème que rencontrerait le pouvoir chinois est celui de la surchauffe industrielle, selon la presse occidentale. Cela toucherait deux secteurs, celui de l’électricité et celui de l’acier.

Le patron d’une usine de motos dit avoir été obligé de fermer son usine trois jours par semaine par manque d’électricité. Puis le Financial Times rapporte que le gouvernement de la province méridionale du Guangdong aurait forcé 4000 entreprises locales à couper l’électricité deux jours par semaines pour empêcher le réseau électrique de sauter. D’autres entreprises sont invitées à réduire leur consommation de 10 à 20 %. La réaction des patrons locaux a été soit de délocaliser ( !) leur production dans des endroits ou il n’y a pas encore de coupure d’électricité, soit de mettre en place des groupes électrogènes. Cette dernière mesure à eu pour conséquence la raréfaction de carburant diesel.

Ce que ces journaux ne disent pas c’est que ces coupures d’électricité ont pour conséquence première la mise sur le carreau des ouvriers de ces entreprises, qui probablement n’apprécient pas ces congés forcés qui équivalent à un manquent à gagner. L’augmentation des salaires mentionné plus haut y est peut être liée. Peut être y a-t-il eu des mouvements de mécontentement dans les centrales électriques forcées de produire davantage sans augmentation de salaires. Pour qu’un tel rationnement ait eu lieu, au niveau d’une province de plus de 78 millions d’habitants, on peut supposer l’existence d’un mouvement concerté. Dans le domaine de l’acier la situation est semblable. Près de Shanghai, dix cadres d’une entreprise de construction ont été emprisonnés pour « construction illégale d’une aciérie ». Cette mesure rentre dans les efforts fait par le pouvoir chinois pour maîtriser l’explosion industrielle. C’est l’attitude traditionnelle depuis des siècles de la bureaucratie céleste. Quand on ne maîtrise pas on arrête ! Dans ce cas précis, il y a fort à parier que, dans ce contexte, l’avis ou l’attitude des premières victimes de ce chantier ont du être pris en compte. En effet 4000 fermiers et leurs familles ont été expulsé de cet endroit, et depuis vivent dans des tentes, sous des ponts ou dans des bateaux de pécheurs abandonnés. S’il y avait des fermiers, c’est qu’il y avait certainement des cultures de riz, cette expropriation forcée entraîne donc un manque de production de cette céréales dont les prix sont déjà entrain de flamber. Ceci ajouté à des crédits financiers de 1 (un) milliard d’Euros obtenus frauduleusement doit faire désordre.

L’empire céleste a des problèmes. C’est ce que j’annonçais dans mon précèdent article sur la Chine, je ne pensais pas que cela viendrait si tôt.