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Le Québec, le fédéralisme et nous
9 octobre 2002

* À propos du texte de David Kavanaght, « La mosaïque militante québécoise, entre fédéralisme et mondialisation », publié dans Réfractions, n° 8, printemps-été
2002

C’est un article très intéressant *. Mais plus par ce qu’il cache, élude et oublie que par ce qu’il dit. Il aurait eu pour sujet la seule activité militante des anarchistes québécois, je n’y aurais trouvé rien à redire. Mais il tente de décrire un paysage global de la situation dans la « belle province », et cela me pose des questions. Mon intérêt pour le Québec et ce qui s’y passe date de la parution dans les années 60 de Nègres blancs d’Amérique de Pierre Vallières (1967), à quoi se rajoute bien des années plus tard un voyage de quelques semaines. Tout cela ne fait pas de moi un spécialiste, mais ce que je pourrais appeler un « naïf averti ».

Il y a au Québec trois problèmes permanents, hors celui de la présence quotidienne du système économique nord-américain. Il y a d’abord l’histoire même de cette province et la façon dont ses habitants se situent par rapport à elle, il y a le « voisinage » avec la sphère anglophone, et enfin la cohabitation avec les Indiens. Sur toutes les plaques minéralogiques des automobiles québécoises se trouve inscrite cette devise « Je me souviens ». Cette phrase est sujette à bien des interprétations, mais toutes ont à faire avec le passé. Comme si l’histoire des hommes et des femmes du Québec s’était arrêtée avec la séparation d’avec la France d’alors.

Rappelons nous les « quelques arpents de neige et de désert glacés » de Voltaire et de Louis XV. Culturellement les Québécois n’ont pas fait leur deuil de cette séparation, ce lâchage, cette défaite. Ils continuent ce combat. Un combat qui n’est pas celui de la population mais celui des institutions politico-religieuses qui se sont succédé depuis. Il est révélateur qu’à cet égard pas un mot n’est dit, dans cet article, sur la dictature totalitaire qu’a exercé l’Église catholique pendant toutes ces années sur une population qui n’en pouvait mais. Il s’est passé au Canada français la même chose qu’en Grèce, l’Église orthodoxe là, catholique ici, s’est instituée légataire, défenseur et propagateur de la culture grecque ou française face au Turc ou à l’Anglais. Ce faisant elles devenaient incritiquables, intouchables.

L’Église catholique québécoise résiste à tout aggiornamento malgré les nombreuses attaques portant sur les viols répétés qui ont eu lieu dans les orphelinats, écoles, collèges, lycées qu’elle contrôlait totalement. 2 C’est dans cette situation que s’est créé et cultivé le problème linguistique renforcé par le fait que le français était une langue « chrétienne » et l’anglais était celle des protestants, des hérétiques. Le refus de la richesse du bilinguisme les cantonne dans la sphère anglo-nord-américaine à un statut inférieur. Mais il y a plus pauvres qu’eux : les Indiens.

Dans son article David Kavanaght évoque le problème, mais sans aller au fond des choses. Il fait des Indiens des alliés potentiels des contestataires québécois. À mon avis, il fait une erreur de fond. Erreur commise par tous ceux qui se penchent sur le développement de l’Afrique noire. Le monde des Indiens est un autre monde, un monde dont les clés nous sont étrangères. Le concept de nation, cher à notre culture leur est étranger. Comme tous les peuples dit premiers , ils relèvent d’un autre continuum espace-temps.