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La barricade des quartiers

Ils sont de retour. Les voitures brûlent, les policiers chargent, les télés montrent. Ils sont de retour.
Ce qui est étonnant c’est que personne n’est étonné. Il n’y a pas de surprise. Dès cet été le patron d’Emmaüs tirait la sonnette d’alarme. La pauvreté en France n’avait jamais é té aussi grande, le nombre de pauvres grandi de jour en jour. Tant que cela ne brûle pas on s’en fout.

Ce qui est étonnant, c’est que les pauvres des cités et les autres pauvres ne se rejoignent pas. Les chiffres des statistiques indiquent que 20 à 25 % des jeunes entre 18 et 25 ans sont au chômage. Si on ajoute ceux qui sont précaires de chez précaire on arrive à combien ?

Ce qui est étonnant c’est que cela n’explose pas plus. Sur la grand place de Strasbourg il y a une horloge qui décompte les jours avant le départ du prochain Tour de France. Quand trouvera-t-on une horloge qui compte le temps qui nous reste avant la grande explosion ?
Dans un journal du matin, un « grand frère » regrettait que ces jeunes insurgés ne soient pas politiquement organisés. Quand on sait ce qu’il est advenu des Marches de ci ou de ça, des leaders de Touche pas à mon pote, des Motivés et autres Ni putes ni soumises, comment ils sont devenus peu ou prou des vedettes des médias, parlant dans les petites lucarnes doctement du monde qu’ils ont fuit, pourquoi voulez vous que les jeunes insurgés s’organisent politiquement ?

Partout, doctement on se demande si les « jeunes » des quartiers sont manipulés, organisés en sous main, parce que partout ils fonctionnent de la même façon. Et surtout, ils sont si jeunes ! Quel angélisme ! C’est oublier que ces gamins ne font que répéter ce qu’ils ont vu leurs frères et les frères de leurs frères faire avant eux. Ils ont de l’entraînement. La confrontation avec la police est quotidienne. Le contrôle au faciès fait partie de leur vie de tous les jours.
Ils se sont complètement adaptés au langage de la violence. Mais cette violence, ils la retournent contre eux et leurs voisins. Ils ont un comportement kamikaze. Ce sont leurs voitures qui brûlent, leur environnement qui part en fumée. Les murs de leur ghetto qui se referment sur eux.

Allumés par les déclarations et les gesticulations du ministre de l’intérieur, ces incendies vont s’éteindre d’eux-mêmes. Qui va en tirer les bénéfices ? D’abord la police, qui va pouvoir justifier de ses interventions pour demander encore plus d’hommes et de matériel. Les « autorités » du culte musulman vont pouvoir toucher les royalties de ces émeutes. Nous avons pu remarquer la demande d’intervention faite au recteur de la mosquée de Paris. La presse se fait l’écho du fait que les seuls capables de faire rentrer les jeunes émeutiers à la maison sont les imams. L’UOIF, bien silencieuse jusqu’alors, vient de mettre enligne sur son site un communiqué, daté du 6 novembre, « condamnant ces exactions » et « appelle tous les jeunes musulmans impliqués dans de tels événements à calmer leur colère, à méditer et à se conformer à la Fatwa édictée ce jour par ‘Dar el Fatwa’ ». Après leur mise en scène de leur solidarité avec les otages en Irak, ils vont pouvoir remplir leur mission, faire régner l’ordre moral. Le goupillon de quelque religion que ce soit se marie toujours bien avec le sabre public.

La réponse aux voitures brûlées va prendre des formes différentes, dont la plus commune sera celle des promesses. Le nombre des animateurs de banlieues va augmenter momentanément, remplissant deux fonctions, trouver un travail pour quelques uns d’une part et jouer le rôle de soupape de sécurité pour l’autre part.
L’armée française va pouvoir profiter de cette possibilité d’engager des jeunes qui ont l’habitude de la confrontation violente. Le Monde diplomatique, en 2001, faisait part de la réticence de la hiérarchie militaire quant à leur présence dans l’armée. Il publiait un article sous le tire suivant : « L’armée s’ouvre timidement aux Beurs ». Quatre ans plus tard, le Figaro reprenant le travail d’un chercheur chiffrait la présence des beurs chez les militaires entre 10 et 20% des effectifs. Pourquoi l’armée peut elle faire cet effort et pas la police ? Essentiellement parce que cette chair à canon va être externalisée, utilisée hors de France, alors que dans la police française ces recrues seraient fort peu fiables dans ce genre d’évènements.

La demande principale, la revendication présente derrière tous ces actes de violences urbaines est la même que celle des employés de HP, des conducteurs de bus marseillais et de bien d’autres personnes, c’est juste un travail, un emploi. Cette revendication bien basique est la seule que le pouvoir ne peut ni ne veut satisfaire. L’argent coule à flots dans les poches des grosse multinationales qu’elles soient pétrolières ou pas. Les plus riches deviennent plus riche, illustrant l’adage populaire l’argent va à l’argent. La pauvreté augmente en arrière plan, silencieusement, honteusement. Pourtant Sarkozy continue à avoir un excellent score aux sondages. Et si au fond, tout ce que nous demandions, c’est la possibilité d’être exploité en paix. Les tranquillisants et la télé ont bien mérité de la patrie.

Pierre Sommermeyer