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Madagascar Luttes de palais
ML 2009

Les gardes ont tiré. Des gens frappés à mort sont tombés. Les marches du palais présidentiel sont couvertes de cadavres, de blessés. Ce n’est pas du cinéma. C’est la mort qui frappe sous les tropiques. Ce sont des manifestants lancés à l’assaut d’un palais présidentiel par un homme installé dans un palais municipal. C’est le résultat d’un conflit entre un homme pressé installé au pouvoir et un autre affublé du surnom de TGV qui veut la place. Ces sont des hommes et des femmes poussés par la misère qui meurent encore et toujours pour d’autres, assoiffés de pouvoir et d’honneur. C’est Antananarivo le 7 février 2009 dans l’hémisphère sud. C’est Madagascar, la grande île, un des endroits les plus beaux du monde, un pays où l’on prend plus soin des lémurs, ces singes magnifiques, que des hommes.


Quelques dates

 1895, les colonisateurs français apportent la civilisation et abolissent la royauté locale vieille de plusieurs centaines d’années.

 29 mars 1947 La révolte gronde, comme partout ailleurs dans les pays colonisés. Les liens ancestraux avec l’Inde voisine en lutte elle-même pour son indépendance sont patents. L’insurrection malgache va durer 21 mois. Elle est souvent considérée comme l’un des signes avant-coureurs de la décolonisation en Afrique francophone. Encore aujourd’hui nul ne sait le nombre exact de victimes. Selon l’administration coloniale c’est autour de 10 000 morts. Certains historiens additionnant les tués au cours des combats, la répression aveugle, les morts dans les camps arrivent à plus de 100 000 morts. Si les milieux militants se souviennent des massacres de Sétif en 1945, bien peu se rappellent ces massacres malgaches où d’aucuns parleront de véritables Oradour locaux.

 1960 Indépendance de l’île, les Français installent au pouvoir le fantoche Tsiranana qui est remplacé par un général douze ans plus tard. En 1975, un autre général prends sa place et est assassiné une semaine plus tard. Le nouveau maître est le capitaine de frégate Ratsiraka qui va installer le socialisme à la mode soviétique avant de revenir à la fin des années 80 au libéralisme économique. Il cède enfin le pouvoir en 2001 à Marc Ravalomanana qui s’est autoproclamé président suite à des élections truquées par le pouvoir en place.

Les raisons de la crise.

Si Madagascar parle le malgache d’abord et le français ensuite, Ravalomanana milliardaire de son état, est anglophone. Son arrivée au pouvoir marque en fait un éloignement que les pouvoirs français sont incapables de freiner. Son premier mandat est marqué par un fort développement des infrastructures routières et un effort en direction du tourisme. Mais la population reste au bord de ce que le président voudrait faire apparaître comme un miracle économique. La majorité de la population vit, ou plutôt survit, de l’agriculture. Madagascar est un des pays les plus pauvres au monde. C’est justement un problème agricole qui va mettre le feu aux poudres. Après avoir échoué dans la construction de voitures, voir le scandale en France en 1999, le conglomérat sud-coréen Daewoo s’est reconverti pour partie dans le domaine de la production agricole. Son projet était de louer 1.3 millions d’hectares pour y produire du maïs afin de l’exporter en Corée qui manque de terres arables productives. C’était en fait faire dans l’île ce que la Chine fait déjà ailleurs en Afrique. Mais c’était sans compter sans l’extrême pauvreté des paysans locaux et leur attachement ancestral à l’inaliénation de la terre. C’était d’autre part le retour à l’agriculture coloniale et au statut d’ouvrier colonisé, ce qui était bien sûr inacceptable. Cerise sur le gâteau, il n’était pas question pour Daewoo de payer un loyer et la compagnie exigeait en plus un bail non révocable de 99 ans, le tout en échange de ses investissements.

Il y a 13 mois un nouvel homme pressé est arrivé dans la course au pouvoir malgache. Andry Rajoelina a été élu maire d’Antananarivo comme le président avant lui le 17 décembre 2007. Ce nouvel élu est un entrepreneur, créateur d’événements, spécialiste de soirées dansantes. Mais là où le bât blesse, c’est que d’une part les dettes de la ville gérée auparavant par des féaux du président en place sont phénoménales et d’autre part que le nouveau maire est aussi propriétaire d’une chaîne de télévision Viva TV. Par décret ministériel Viva TV est interdite de diffusion parce qu’elle a donné la parole à ce capitaine de frégate (réfugié politique en France) qui a gouverné le pays pendant tant d’années et qui est responsable de son état désastreux actuel.

Donc depuis trois semaines se livre dans le centre de la capitale malgache un petit jeu comico- tragique, tragique, parce qu’à chaque fois il y a mort d’homme, certains chiffres parlent de 128 tués, comique parce que l’on joue à destituer l’autre, à nommer des ministres qui ne le restent que le temps de leur nomination. Il va y avoir négociations, partage du pouvoir, et des grandes cérémonies mortuaires, jusqu’à la prochaine fois.