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La cendre et les étoiles. Chronique d’une révolution sociale

La cendre et les étoiles
Chronique d’une révolution sociale

Editions « le flibustier
Marseille, 2011, 275 p. 16 €

Un roman d’aujourd’hui, daté de demain ou le contraire, en le refermant on ne sait plus très bien ce qu’il en est. Sous-titré « chronique d’une révolution sociale » s’agit il de littérature prolétarienne, de littérature révolutionnaire ou d’autre chose ? Je laisserai au lecteur le soin de le ranger dans l’étagère de son choix. Pour moi il s’agit d’un OLDI, un objet littéraire difficilement identifiable.

Les personnages

Ils sont dans quatre cases différentes mais en même temps bien semblables. Il y a le Choryphée, Moussa, assit sur sa caisse de bois tous les matins dans ce RER B qui emmène la main d‘œuvre entassée vers son lieu d’exploitation. . Pour le provincial que je suis, ce train, les quelques fois où je l’ai pris est un monde à lui tout seul. On y pénètre innocent, on en sort soulagé d’avoir survécu. Moussa parle, soliloque, commente l’actualité. Il y a Emilie, petite bourgeoise, journaliste décalée qui commente sur son journal underground ce qui se passe dans ce milieu parallèle où elle vient d’entrer. Il y a aussi Traore, le porte parole de la Coordination. Enfin apparaissent les acteurs principaux de ce livre Kevin, Arnaud, Ibrahim et quelques autres. Et bien sur il y a quelques flics plus ou moins bien intentionnés.

La période

La crise sociale que nous connaissons causées par ce que certains dénomment emprunts toxiques s’est aggravée à un niveau quasi insupportable. Le mécontentement social a grandi. Les manifestations se suivent sans effet. Un groupe de militants hors de toute organisation déclarée décide de faire basculer la situation. S’en suit une manifestation monstre qui déborde les limites formées par les forces de l’ordre. Des commandos de manifestants s’affrontent aux policiers et aux militaires appelés en renfort. Il s’agit d’une quasi-insurrection. En arrière plan il y a eu des prises au tas dans des supermarchés investis au cours de manifestations sous forme de coup de main. Il y aura des casses informatiques pour soutirer l’argent aux grandes banques. Ces finances qui vont circuler dans le monde entier avant de revenir à leur point de départ mais dans d’autres mains serviront à acheter des armes, au cas où, mais surtout profiteront à la myriade de petites structures économiques de production regroupées dans ce qui se nomme la Coordination.

C’est donc une société en plein désarroi qui est dépeinte dans ce livre. Un groupe de militants, qui se reconnaissent dans l’appellation d’autonomes, a décidé d’être l’accélérateur de l’Histoire.

Tout cela aurait pu faire un roman enthousiasmant et actuel. Le lecteur attentif y trouvera tous les débats qui ont cours aujourd’hui dans les milieux libertaires au sens large. La confrontation entre Ibrahim le croyant et Arnaud l’athée donnera à réfléchir aux croyants de l’athéisme.

La discussion sur l’usage des armes au cours des mouvements sociaux est d’une grande actualité. L’opposition convergente entre insurectionnalistes et éducationnistes est tout aussi pertinente.

J’aimerais faire part de quelques critiques « militantes », le fait que ces autonomes ne sont que des mecs, machisme quand tu nous tiens, l’apparition du « complexe de Tarnac » la campagne profonde et retirée apparaissant comme le refuge idéal après l’action radicale, le héros principal construisant sa thébaïde au confins des Pyrénées dans un coin que j’ai bien connu et où il n’y a rien, Tout ce discours radical débouchant sur un retrait sociétal m’étonne. Malgré tout j’ai lu ce livre avec plaisir même s’il, si prometteur qu’il soit, ne fonctionne pas. Peut être ais-je des goûts par trop classiques.

A la réflexion il apparaît que ce livre pourrait être la reproduction écrite de la vie de ceux qui se décrivent comme « autonomes » entre action et discours idéologique, entre manifestation et distribution de tracts.

Emilie, dans son « Journal de Jacques », prévu pour être lu dans les quartiers, reproduit à plus soif les discours idéologiques de ses petits camarades. « Une suradaptation à la société indistrielle posée comme génératrice de valeur » succède à « dans les couches populaires le capitalisme a aussi ses adhérents actifs et convaincus » et précède « quand au contrôle du mandataire dans la phase post-électorale… » tout cela traversant le livre de part en part.

Ce livre est donc bien un OLDI, peut être la première apparition d’un nouveau genre littéraire qui mêlerait théorie et pratique, afin de conjuguer là ce qui est séparé ailleurs. Il ouvre des perspectives politiques bien absentes par ailleurs. Il se présente ses acteurs comme les successeurs des anarchistes qui ont « connus les catacombes » pendant les années du libéralisme triomphant. Soit !

Pierre Sommermeyer