Grèves, émeutes, manifestations, se succèdent, apportant à chaque fois des changements positifs ou négatifs. Les temps qui suivent se chargent de donner à chaque événement une éventuelle signification. Ce qui s’est passé laisse des traces et parfois des écrits. Le propre des moments « révolutionnaires » est de produire au cours de leur toujours brève existence des textes, parfois écrits par des individus, parfois par des collectifs, parfois identifiés, parfois anonymes,
Ce fut le cas en Mai 68, et pas pendant les batailles autour de la réforme des retraites, ce fut le cas autour de la campagne contre le référendum européen et peut être pas pendant les émeutes des banlieues.
Cela a été le cas au cours des semaines qui virent un mouvement essentiellement corporatiste, celui contre le CPE évoluer tout doucement vers un désir profond de changement. L’existence d’Internet a incité, facilité et permis l’existence de ces textes ainsi que leur circulation. Il y a prolifération.
La présence de ces textes dérange. Elle dérange, parce que nous ne savons pas faire face à cette prolifération, à cette irruption, à cette éruption. Elle dérange parce que nous ne savons pas quoi en faire.
C’est la première fois de l’histoire sociale que des textes circulent sans avoir besoin d’un support papier, sans avoir besoin d’autorisations particulières. Le texte appellé « Appel de Raspail » est là pour en témoigner. Chacun est son propre éditeur. Chacun ne s’autorise que de lui même.
Serait-ce la porte ouverte à la confusion qui résulte de la dispersion de tous et de chacun.
Si tout le monde se met à écrire, si tout le monde « ouvre sa gueule », on ne va plus s’entendre.
En même temps c’est la porte ouverte au vent du large qui balaie les frontières organisationnelles. C’est la richesse de tous qui vient nourrir l’appétit de tous. C’est à la fois le don et le partage.
C’est la preuve que spontanément le mouvement social quel qu’il soit trouve à la fois le mode d’organisation et d’expression qui correspond le mieux au moment ou il a lieu. L’apport des libertaires est alors annexe, il amplifie une tendance, il ne la créée pas.