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Le tombereau de Lénine

Ce ne sont pas seulement le bolchevisme, le marxisme et l’étatisme qui sont fatals à la révolution ainsi qu’au progrès vital de l’humanité. La principale cause de la défaite de la révolution russe est beaucoup plus profonde. Elle réside dans la conception socialiste de la révolution elle-même. Emma Goldman 1923


L’Assemblée parlementaire […] invite tous les partis communistes ou post-communistes de ses Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à réexaminer l’histoire du communisme et leur propre passé, à prendre clairement des distances par rapport aux crimes commis par les régimes communistes totalitaires et à les condamner sans ambiguïté
Projet de résolution du conseil de l’Europe 16/12/2005

Un parlementaire européen de droite a tenté d’amorcer un débat qui aurait du faire parler de lui. Le Conseil de l’Europe dont il est membre a adopté sa proposition de résolution sans lui donner suffisamment de voix pour qu’elle puisse inciter les gouvernements représentés à promouvoir des enquêtes juridiques à l’encontre de personnes impliquées dans les crimes du communisme.

Pourtant le texte du projet de résolution, présent sur le site web du conseil de l’Europe, est intéressant à lire et ce pour plusieurs raisons. Après avoir énuméré un certain nombre de fait communément admis, relevant de l’atteinte aux droits de l’homme, ce que d’aucun qualifieront de « déviation de la révolution » le rapporteur de cette résolution M. Göran Lunblat mets en cause « la théorie de la lutte des classes et du principe de la dictature du prolétariat » puis dans l’exposé des motifs il dit : » En fait, aussi difficile à comprendre que cela puisse être, il n’y a pas eu de débat sérieux, approfondi, sur l’idéologie qui a été à l’origine d’une terreur généralisée, de violations massives des droits de l’homme, de la mort de millions de personnes et a régi le sort de nations entières. Alors qu’un autre régime totalitaire du 20ème siècle, le nazisme, a fait l’objet d’enquêtes, a été condamné internationalement, que les auteurs des crimes ont été jugés, des crimes similaires commis au nom du communisme n’ont jamais fait l’objet ni d’enquêtes ni d’aucune condamnation internationale. » Pour terminer il cite, comme ouvrage de référence, l’incontournable livre de Stéphane Courtois Le livre noir du communisme : crimes, terreur et répression.
La réponse à cette demande de débat n’a pas tardée. Mikis Theodorakis, compositeur grec bien connu a répondu « M. Lundblat veut déformer l’histoire en confondant les agresseurs avec les victimes, les héros avec les criminels, les libérateurs avec les conquérants, les communistes avec les nazis. … le Conseil de l’Europe annonce d’avance la persécution future des communistes européens qui n’ont pas encore fait de déclaration de repentance … Face à ce grand crime contre l’humanité(La guerre d’Irak), tout comme celui du camp hitlérien de torture moderne de Guantanamo, le Conseil de l’Europe n’a rien à dire »

Une quinzaine de partis communiste, essentiellement des groupuscules marxiste-léniniste, se sont réunis à Bruxelles et ont embrayé là-dessus. Ils ont déclaré que « la résolution minimalisait les crimes du nazisme et conduisait tout droit à une attaque majeure contre les droits démocratiques et à de nouvelles mesures réactionnaires. Qu’elle justifie des attaques impérialistes contre les pays socialistes et pourrait conduire à l’interdiction des partis communistes. Ils ont mis en garde contre le danger que de telles mesures anticommunistes engendraient pour les syndicalistes, les étudiants, les jeunes activistes et les démocrates ».

Guennadi Ziouganov, le valeureux premier secrétaire de Parti communiste de la Fédération de Russie a déclaré qu’ « il y a eu moins de 900 000 morts en quarante ans [1917-1956,]. Nous pouvons vous donner des notices pour chaque année. ». Pour faire bonne mesure il a rajouté : « Pourquoi ne pas condamner le capitalisme ? Pourquoi ne pas juger les Etats-Unis pour avoir déversé du napalm au Vietnam ? Il n’y a rien d’autre derrière ce rapport qu’une lutte idéologique et la haine contre notre pays ! ».

Voilà donc un vieux débat qui renaît de ses cendres. Que faut il en dire ? Pourquoi en reparler dans le Monde Libertaire puisque depuis le début, nous connaissons la nature réelle du système soviétique ?
Parce que les héritiers de ce système continuent à jouer un rôle dans notre pays. Dans le train de ceux qui après la victoire du non au référendum sur l’Europe veulent être présent pour les prochaines présidentielles, on trouve en tête, se disputant les leviers de la locomotive, les enfants de Lénine et ceux de Trotski.

Parce que aujourd’hui encore un historien peut publier un livre sur Cronstadt et nier la responsabilité de Lev Davidovitch Bronstein dit Trotsky sous prétexte qu’il n’était pas sur place, alors qu’il était le patron de l’Armée rouge.

Parce qu’un journaliste rendant compte de cet ouvrage dans un grand hebdomadaire de façon intelligente sur le fond, est incapable de noter la supercherie et ne mentionne en aucune façon l’existence des anarchistes.

Parce que derrière l’influence organisationnelle de ces groupes dans l’activisme de gauche se cache une influence théorique pernicieuse quant à la conception tant de la façon de mener les luttes que dans la conception de l’organisation d’une société libre. Ce qui fait dire à Henri Simon du groupe Echanges et Mouvement : « si le capitalisme venait à sombrer, une partie de la répression visant les agents autonomes d’une poussée révolutionnaire viendrait de ceux qui voudrait au nom de leur conscience révolutionnaire prendre la direction éclairée de ce qu’ils auraient conçut auparavant comme société future »

L’argument principal des opposants au projet de résolution du conseil de l’Europe tenait dans le refus du parallèle suggéré entre les crimes nazis et ceux du communisme. Si il y a un danger dans ce type de débat, c’est celui de faire une comptabilité comparée des victimes des deux systèmes. Le livre de Stéphane Courtois, lors de sa parution, avait soulevé ce genre de tempête jusque dans les rangs libertaires, si l’on croit ce qui était reporté alors dans le N° 2 de Réfractions (1998). Dans une réunion tenue au local de la CNT de la rue des Vignoles, l’atmosphère telle qu’elle apparaît au travers de ce compte rendu est pour le moins inamicale. L’auteur, présent dans la salle, est accusé d’attaquer l’idée de révolution, d’attaquer les communistes libertaires, de mettre dans le même sac, révolutionnaires et bureaucrates, d’apporter de l’eau au moulin du capitalisme, de condamner toute violence révolutionnaire, de faire l’amalgame entre communisme, terreur de masse et fascisme etc.

Peut on mettre sur le même plan le nazisme et le communisme soviétique ? Voilà la question qui gêne aux entournures. Ce n’est pas faute d’y avoir pensé, d’avoir écrit à ce propos. Il faut bien reconnaître que s’il n’y a pas de discussion sur le fait que la fréquentation des nostalgiques du fascisme est impossible, contre nature, par contre collaborer avec les tenants du communisme soviétique semble poser beaucoup moins de problèmes sans parler des trotskystes.
Il est intéressant à ce titre de citer ce que disait Otto Rühle , dans un texte paru en 1939, donc bien avant le début de la Shoah. Le titre résume déjà l’essentiel : LA LUTTE CONTRE LE FASCISME COMMENCE PAR LA LUTTE CONTRE LE BOLCHEVISME .

« Il faut placer la Russie au premier rang des nouveaux États totalitaires. Elle a été la première à adopter le nouveau principe d’État. C’est elle qui a pousse le plus loin son application. Elle a été la première à établir une dictature constitutionnelle, avec le système de terreur politique et administrative qui l’accompagne. Adoptant toutes les caractéristiques de l’État totalitaire, elle devint ainsi le modèle pour tous les pays contraints à renoncer au système démocratique pour se tourner vers la dictature. La Russie a servi d’exemple au fascisme. »